L’Edition Spéciale s'acharne-t-elle sur les jeux vidéo ? p.2
Le troisième cas, diffusé le 25 janvier dernier, franchit un cap dans la désinformation :
Stéphane Clerget évoque une "génération de geeks empotés"
envoyé par pixels-et-politique. - Découvrez plus de sujets sur les jeux vidéo !
J’ai déjà eu l’occasion de pointer du doigt la nature plus idéologique que médicale des positions prises par les psys médiatiques, loin de la rigueur scientifique que l’on est en droit d’attendre d’eux. C’est exactement le cas ici : Stéphane Clerget, que l’on entend dans cet extrait, émet une opinion personnelle, énonçant un avis simpliste que rien n’étaie et sombrant dans l’insulte lorsqu’il évoque les « geeks empotés » que cette génération de jeunes passionnés d’écrans serait susceptible de devenir plus tard. Quant à son assertion que l’usage de la console ne sollicite que très peu le cerveau, elle est contredite par de très nombreuses études, y compris parfois celles tirant des conclusions négatives sur cette activité.
Tout n’est pourtant pas à jeter chez Stéphane Clerget. Si la position qu’il présente dans cet extrait le rapproche de quelqu’un comme Edwige Antier, ses positions sont en revanche diamétralement opposées à celle de la « psy des beaux quartiers » sur les questions du genre, de l’orientation sexuelle ou encore du lien mère-enfant. Ses travaux sur ces questions sont de prime abord dignes d’intérêt. En revanche, son aversion caricaturale et maintes fois exprimée envers tout ce qui peut se passer sur un écran, sans aucune distinction entre télévision, Internet, logiciel ou jeu, nuit considérablement à sa crédibilité en tant que médecin et à la pertinence des travaux qu’il a mené et exposé sur d’autres sujets.
Quant à nos deux chroniqueurs, ils ne trouvent rien d’autre à exprimer à cette occasion que leur aversion habituelle, Marie Colmant nous offrant même un bel exemple d’écoute (« moi, j’ai interdit l’ordinateur »), reproduisant ainsi les schémas éducatifs autoritaires contre lesquels on l’imagine s’être battue dans sa jeunesse.
A travers ces trois séquences, l’Edition Spéciale paraît tout simplement inapte à construire un vrai débat sur le sujet. Même lorsque le reportage d’appui est équilibré, l’ignorance et les préjugés tenaces de deux de ses chroniqueurs empêchent tout développement sain de la discussion qui suit. Un constat amer pour une émission qui s’échine à véhiculer une image cool, et qui y parvient tant qu’elle traite des évolutions culturelles que ces deux chroniqueurs ont soutenues et certifiées.
Notons toutefois, au milieu de tout cela, le grand professionnalisme de Nicolas Domenach, qui témoigne d’une certaine élégance dans sa réserve sur des sujets qu’il ne maîtrise pas, et la touche de fraîcheur apportée par Daphné Burki, la benjamine de l’équipe, chez qui l'on croit déceler une volonté timide de contrebalancer les positions radicales de ses deux confrères, et qui présente parfois des curiosités issues de la culture geek (telle que la vidéo ci-dessous), ou des artistes s’inspirant de l'esthétique des jeux vidéo dans leurs créations, et qui valent parfois le détour.