Zéro de Conduite : Jean-Pascal Assailly persiste dans ses préjugés
Comme je le soulignais la semaine dernière, l’émission d’M6 Zéro de Conduite, plutôt sympathique et agréable à regarder malgré les défauts inhérents à ce type de programme, a intégré dans son casting Mathieu, un jeune homme plutôt habile à la conduite mais peu en phase avec le code de la route, et Jean-Pascal Assailly, un membre du jury, qui semble lier le comportement de Mathieu à son statut de gamer. Occasionnel ou hardcore ? L’émission ne s’encombre pas de ce détail… Tout ce qu’on sait, c’est qu’il joue à Mario Kart Wii avec sa sœur…. Jeux de course = conduite dangereuse, voilà en tout cas le postulat exposé lors de la première émission.
Le psychologue et chercheur en sécurité routière semble articuler ses commentaires à partir de bons vieux préjugés et autres généralisations hâtives, de type « les conducteurs sont plus agressifs qu’avant », « les femmes conduisent mieux que les hommes », etc. Mathieu a certes tendance à négliger le code de la route mais au moins, il montre une certaine maîtrise de son véhicule en conditions normales, et une réelle présence d’esprit dans les situations inattendues qu’il rencontre durant les épreuves. Par ailleurs, il aime conduire et entend bien profiter de la logistique mise en place pour l’émission pour s’offrir des moments de plaisir au volant. C’est ainsi qu’après avoir brillamment passé l’épreuve de la chicane à 70 kh/m au lieu des 60 prévus au programme, il demande de la refaire à 80. Jean-Pascal Assailly en profite pour repasser une couche de préjugés à propos des gamers. Ca se passe à 1h17’40 du début de l’émission, que vous pouvez comme toujours consulter sur M6 Replay :
« Ce fait même de toujours vouloir monter la difficulté de la tâche est typique des jeunes gens qui sont des fans de jeux vidéo, parce que c’est bien ce qu’on fait dans un jeu vidéo, une fois qu’on a réussi un niveau, on passe au niveau d’après qui est forcément plus difficile ; et on a pu prouver que les jeunes qui adorent, comme ça, jouer aux courses automobiles sur les jeux vidéo, ont un style de conduite trop risqué et dangereux ». Et un autre membre du jury, le commandant de gendarmerie Philippe Bartolo, de renchérir : « Il va falloir qu’il mette le jeu en position off et qu’il revienne dans la vraie vie ». Au-delà de la connaissance limitée du jeu vidéo que ces déclarations démontrent, on en revient à cette idée, cette rengaine, que le jeu vidéo rend dangereux, avec cette fois-ci l’utilisation abusive de la notion de « preuve », invérifiable mais que nombre de téléspectateurs tiendront pour acquise compte tenu du statut de celui qui prétend la détenir.
Premièrement, pour avoir consulté nombre d’études sur les jeux vidéo, je n’en ai jamais croisé, même parmi les plus fantaisistes et les plus malhonnêtes, qui soient consacrées spécifiquement à la conduite automobile ; je serais dès lors ravi que M. Assailly porte à ma connaissance les fameuses preuves dont il dispose. Ensuite, peu de chance de voir M. Assailly, tout à ces certitudes, faire un autre raisonnement, pourtant plus logique : c’est le goût du risque et l’approche ludique de la conduite qu’affiche Mathieu qui seraient parallèlement à la base de sa passion supposée pour le jeu de course, et de sa recherche de sensations lorsqu’il est au volant, surtout sur circuit dans des situations volontairement ludo-pédagogiques. Enfin, pour le coup, je regrette presque que M. Assailly ait tort. J’aimerais beaucoup que la pratique du jeu vidéo m’aide à me dépasser et à franchir les étapes dans la vraie vie et l’expérience m’a appris que ce n’était pas le cas.
Les positions idéologiques prises sans nuance par Jean-Pascal Assailly durant l'émission peuvent sembler anodines, mais elles nous rappellent à quel point ces milieux (psychologues, psychothérapeutes, psychiatres et surtout pédopsychiatres) sont autant, sinon plus, idéologiques que scientifiques et que si certains de ces spécialistes s’en tiennent à une démarche de recherche, d’échange et d’enrichissement permanent de leur savoir, d’autres se contentent de mettre en avant leur statut de scientifique ou de médecin pour apporter leur caution médiatique à d’obscures « études » bricolées pour donner du poids à ce qui ne sont que des raccourcis sommaires. Derrière son apparente bonhomie et son sourire, Jean-Pascal Assailly semble bien appartenir à cette deuxième catégorie. Cela étant, Zéro de Conduite reste une émission très agréable à suivre et qui parvient tant bien que mal à assumer sa double fonction de divertissement et d’émission pédagogique.